L'entreprise Bonduelle a mis l’Allemagne en boîte

En Allemagne, le spécialiste des légumes en boîtes Bonduelle a réussi son pari : faire passer la marque hexagonale pour un produit du cru. TEXTE : FREDERIC THERIN
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Bonduelle est parvenu à faire ce que toute entreprise rêve de réaliser sur un marché étranger : devenir "local". "Même si notre nom n'a pas une consonance germanique, les consommateurs dans ce pays nous considèrent comme une marque allemande", se réjouit Christophe Bonduelle, le directeur général du groupe basé à Villeneuve d'Ascq, près de Lille. "Ce facteur est absolument essentiel pour nous." Cette jolie performance est le fruit d'un long travail. La société familiale est arrivée très tôt dans ce qui était alors la RFA. En 1969, les Allemands ne connaissaient pas vraiment le petit pois extra-fin et le mélange petits pois-carottes. Pour ne pas choquer les papilles rhénanes, l'entreprise "chti" a adapté ses recettes aux goûts locaux en réduisant notamment la quantité de sucre dans ses conserves. Sur les 120 références qui sont en vente aujourd'hui dans la République fédérale, seulement quatre ou cinq sont similaires à celles distribuées dans l'Hexagone.
Un contexte favorable
Bonduelle a également été aidé par le contexte de l'époque pour asseoir son succès outre-Rhin. À la fin des années 1960, "le mark était réévalué presque tous les ans face au franc, ce qui nous donnait un avantage compétitif certain", reconnaît Christophe Bonduelle. Les entreprises françaises spécialisées dans l'agroalimentaire avaient aussi une importante longueur d'avance sur leurs rivales allemandes. Les champs de petits pois couvraient en moyenne une superficie de 20 hectares dans l'Hexagone contre à peine deux en République fédérale. Les unités de production de Bonduelle étaient en outre nettement plus grandes que celles de ses concurrents allemands ce qui a permis au groupe de couvrir l'ensemble du pays en livrant des palettes entières aux hypermarchés qui commençaient juste à apparaître dans le pays.
La compagnie patrimoniale a également eu l'intelligence de recruter des salariés locaux pour diriger sa filiale au lieu de "parachuter" un expatrié ne parlant pas la langue de Goethe. "Mon père s'est fié à son intuition en faisant confiance à un jeune Allemand non diplômé pour diriger notre filiale locale", explique le patron actuel qui appartient à la sixième génération de dirigeants. "Hartwig Burger est resté chez nous pendant près de 30 ans et il est l'une des clés de notre succès sur ce marché. Il n'est pas facile pour une PME de donner autant de responsabilités à un étranger mais nous avons toujours mis un homme du cru à la tête de nos filiales étrangères. Un Français envoyé sur place ne sent pas le marché de la même manière. Hartwig Burger nous a ainsi convaincu de faire ces publicités sous forme de dessins animés qui n'auraient jamais fonctionné en France mais qui ont rencontré un succès immédiat en Allemagne." Ainsi si vous évoquez aujourd'hui à Munich ou à Berlin la marque Bonduelle, le passant risque de vous répondre sans même y réfléchir : „Bonduelle ist das famose Zartgemüse aus der Dose" ("Bonduelle ce sont les fameux légumes primeurs en conserve"). Ce slogan, répété pendant des décennies sur les écrans télévisés, est aujourd'hui ancré dans l'inconscient collectif de nos voisins.
Avec une part de marché nationale de 40 % et un chiffre d'affaires annuel de 200 millions d'euros, la marque du nord de la France est le leader incontesté de la conserve de légumes en Allemagne. "Du début des années 1970 au milieu des années 1990, l'Allemagne représentait le tiers de nos ventes", calcule Christophe Bonduelle. "Ce chiffre ne dépasse pas 12 % aujourd'hui en raison de notre internationalisation mais ce pays reste néanmoins très important pour nous. Quand on y pense, peu d'entreprises françaises ont aussi bien réussi en République fédérale."
TEXTE : FREDERIC THERIN