Pourquoi la langue allemande est si peu parlée en France ?

Alors que l'anglais domine le monde professionnel, l'allemand occupe une place plus ambivalente en France. Langue du premier partenaire économique du pays, elle est perçue à la fois comme un atout stratégique et comme une discipline jugée difficile, dont l'intérêt pour la carrière divise les Français. L'allemand, est-ce une langue des affaires ignorée par les Français ?
2. Une reconnaissance de son utilité pour la carrière, mais partielle
3. Profils, secteurs et avantages
4. Obstacles et freins à sa valorisation
5. Ce que montrent les données récentes sur l'image de l'Allemagne
Plusieurs études montrent que l'allemand perd du terrain en France dans les établissements scolaires.
En 1994, plus de 600 000 élèves apprenaient l'allemand comme première langue vivante.
En 2021, ce chiffre est tombé à environ 150 000 selon l'Association pour le Développement de l'Enseignement de l'Allemand en France (ADEAF).
En 2022, seulement 14,8 % des élèves avaient choisi l'allemand en LV2 (langue vivante 2).
En 2023, le pourcentage d'élèves apprenant l'allemand (LV2) est passé à 13,5 %.
Ce recul s'explique par plusieurs facteurs : la suppression de certaines classes bilangues, l'image de l'allemand comme langue "difficile" ou "élitiste", comparée à l'espagnol ou à l'anglais.
Même si la langue de Goethe est de moins en moins choisi, certains sondages font ressortir qu'il est perçu comme un atout, mais plus rarement comme indispensable.
Selon une enquête de Babbel, parmi les personnes qui apprennent une langue pour leur carrière, 15 % choisissent l'allemand, derrière l'anglais (67 %) mais devant l'italien ou d'autres langues latines dans certains cas.
Toutefois, dans un sondage plus critique, 75 % des Français estiment que la maîtrise de l'allemand n'est pas un atout dans l'environnement professionnel. Et pour 58 %, l'allemand ne présente aucune utilité.
Seule une minorité (quelques pourcents) se déclare capable de maîtriser l'allemand couramment. En 2019, 27 % des Français déclaraient parler allemand, mais seulement 4 % "couramment".
Quand l'allemand est valorisé, c'est dans des secteurs ou des situations particulières.
Les cadres ayant des salaires élevés (plus de 60 000 €/an) sont plus susceptibles de parler allemand. Cela laisse penser que dans certaines fonctions ou entreprises, la langue allemande peut être différenciante.
L'allemand apparaît plus utile dans des entreprises ayant des liens avec l'Allemagne ou dans des secteurs industriels / transfrontaliers.
Par ailleurs, maîtriser l'allemand peut apporter un avantage concurrentiel quand beaucoup ne le parlent pas. Cela peut aider à se démarquer.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi l'allemand ne jouit pas d'un usage professionnel plus répandu :
Manque de confiance linguistique : beaucoup de Français ne se sentent pas à l'aise à l'oral dans une langue étrangère.
Pénurie d'enseignants : des difficultés à recruter ou maintenir des professeurs d'allemand affaiblissent l'offre.
Image de difficulté / élitisme : l'allemand est parfois perçu comme plus dur ou moins "accessible" que d'autres langues.
Domination de l'anglais : dans beaucoup de domaines professionnels, l'anglais reste la "langue de facto". Cela réduit la perception de nécessité pour d'autres langues, y compris l'allemand.
Si l'on élargit le spectre à l'image de l'Allemagne, on note qu'elle reste très positive :
Selon un sondage mené en 2024 de la part de l'Ambassade d'Allemagne en France, 88 % des Français avaient une bonne ou très bonne image de l'Allemagne.
Selon des sondages récents, 83 % des Français considèrent les relations franco-allemandes comme nécessaires pour l'avenir de l'Union européenne.
Le "couple" franco-allemand est vu comme un moteur de l'Europe par une proportion significative.
Même parmi ceux qui ont une image positive, beaucoup jugent qu'ils connaissent mal l'Allemagne : environ 70 des Français admettent ne pas bien connaître le pays.
Les notions de travail, rigueur, puissance économique, qualité de vie sont fréquemment associées à l'Allemagne.
Les jeunes (18-24 ans) tendent à avoir une vision encore plus favorable de l'Allemagne que la moyenne, notamment sur les aspects culturels, scientifiques ou intellectuels.
Ces perceptions favorables peuvent encourager l'idée que connaître l'allemand ouvrirait des portes, mais ce ne sont que des facteurs indirects.
En savoir plus :
- Parler allemand, un atout sur le marché du travail
- Français et Allemands ont besoin de parler la langue de l'autre
- Apprendre l'allemand rapidement : 7 méthodes gratuites

Olivier Geslin

