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Comment sécuriser son avenir pro en Allemagne

Comment sécuriser son avenir pro en Allemagne

En période d’incertitude économique, de transformations technologiques accélérées et de mutations constantes du marché du travail, la sécurité de l’emploi devient un luxe que peu de salariés peuvent encore se permettre. En Allemagne, même si le système social est robuste et les taux de chômage relativement bas, les restructurations dans de grands groupes comme SAP ou BASF rappellent que nul n’est à l’abri d’un retournement professionnel. C’est dans ce contexte que s’impose une stratégie aussi prudente qu’astucieuse : le career cushioning.

Encore méconnu du grand public, ce concept anglo-saxon – que l’on peut traduire par « amortissement de carrière » – consiste à préparer activement son avenir professionnel tout en étant encore en poste. Objectif : ne pas subir, mais anticiper. Grâce à la montée en compétences, au développement de son réseau ou à des projets freelances, cette approche permet de transformer la peur du changement en levier d’évolution. Alors, comment les salariés en Allemagne peuvent-ils sécuriser leur parcours sans compromettre leur poste actuel ? Décryptage d’une tendance en pleine montée…

 



1. Qu’est-ce que le career cushioning ?

1. Qu’est-ce que le career cushioning ?

Le career cushioning, ou amortissement de carrière, est une stratégie professionnelle qui vise à préparer une alternative ou un rebond en cas de licenciement ou de transformation de poste, tout en restant en activité.

" Cette démarche, bien plus qu’une simple précaution, est devenue un véritable outil de gestion de carrière individuelle dans un monde du travail incertain."

Astrid Keppler
Recruteuse
Eurojob-Consulting

Lea


En Allemagne, où les mutations économiques sont particulièrement rapides dans certains secteurs – comme l’automobile ou l’industrie chimique – cette stratégie prend tout son sens.

Prenons l’exemple de Volkswagen, qui a annoncé en 2024 une réduction de 10 000 postes en raison de sa transition vers le tout-électrique. De nombreux salariés de l’entreprise ont ainsi anticipé en suivant des formations certifiantes dans l’électromobilité ou le développement logiciel via le programme Volkswagen Faculty 73. Ces initiatives permettent non seulement de conserver son employabilité, mais aussi d’envisager un redéploiement interne ou une reconversion externe.

Selon une étude menée en 2023 par le cabinet Robert Walters, 37 % des salariés européens déclarent pratiquer une forme de career cushioning, motivés par la peur d’un licenciement économique, les changements de stratégie d’entreprise, ou une insatisfaction croissante face à leur poste actuel. En Allemagne, cette tendance est particulièrement marquée chez les 25-40 ans, qui plébiscitent les certifications digitales (comme celles proposées par les Google Ateliers Numériques) et les formations continues financées par l’Agentur für Arbeit via le Bildungsgutschein.

Le career cushioning se matérialise donc par une série d’actions concrètes : mise à jour de son profil LinkedIn, inscription à des jobboards allemands, **prise de contact avec des chasseurs de têtes, création de projets freelances… Autant d’étapes qui permettent de ne pas subir les aléas professionnels, mais de **les anticiper avec lucidité.



2. Pourquoi cette stratégie séduit en Allemagne ?

2. Pourquoi cette stratégie séduit en Allemagne ?

En Allemagne, la stratégie du career cushioning s’impose progressivement comme une nécessité, même dans un pays réputé pour la solidité de son modèle social. Malgré un taux de chômage historiquement bas – 5,7 % en mai 2025 selon la Bundesagentur für Arbeit – les signaux d’alerte se multiplient : baisse de la production industrielle, incertitudes géopolitiques, inflation persistante, et surtout, restructurations massives dans les secteurs historiques.

Les exemples ne manquent pas. En 2024, BASF, géant de la chimie basé à Ludwigshafen, a supprimé plus de 2 600 postes en Allemagne, notamment dans les fonctions de support et la recherche. Même son de cloche dans la banque, où Deutsche Bank prévoit une réorganisation de ses services de back-office avec des milliers de suppressions d’emplois dans les prochaines années. Face à cette instabilité, la confiance dans l’emploi garanti s’érode, poussant les salariés à se préparer à l’éventualité d’un changement imposé.

Cette insécurité se retrouve également dans les chiffres. Une étude menée par Statista révèle que près de 45 % des salariés allemands de moins de 35 ans se sentent vulnérables face à une perte d’emploi. Par ailleurs, selon un rapport du Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW), un tiers des actifs envisagent une reconversion ou une formation dans les deux années à venir. Ce chiffre grimpe même à près de 50 % dans les régions de l’Est (comme la Saxe et le Brandebourg), durement touchées par la désindustrialisation et les transformations liées à la transition énergétique.

Dans ce contexte, le career cushioning devient une réponse pragmatique : se former via les plateformes d’e-learning comme Udemy ou LinkedIn Learning, rejoindre des réseaux professionnels comme Xing, explorer des options de mobilité à l’international grâce à des programmes européens ou s’inscrire dans une dynamique de veille sectorielle. Pour de nombreux professionnels en Allemagne, sécuriser son avenir n’est plus une option : c’est un devoir de prévoyance.



3. Les pratiques concrètes du career cushioning

3. Les pratiques concrètes du career cushioning
"Le career cushioning ne se limite pas à une idée théorique : il se traduit par des actions concrètes et stratégiques, que de plus en plus de professionnels mettent en œuvre en Allemagne pour sécuriser leur avenir professionnel."

Astrid Keppler
Recruteuse
Eurojob-Consulting

Lea


Voici les pratiques les plus courantes, à adapter selon son profil, son secteur et son niveau d’expérience.

1. Réseautage professionnel : En Allemagne, le réseautage est essentiel, notamment dans les secteurs où le marché de l’emploi caché prédomine. Participer à des événements via Xing ou Meetup permet de développer des connexions locales, surtout dans des villes comme Berlin, Hambourg ou Munich, où les opportunités ne sont pas toujours publiées. Des clubs d’affaires comme les BNI Allemagne offrent également un cadre structuré pour élargir son réseau de façon professionnelle.

2. Montée en compétences : L’Allemagne encourage la formation continue via des dispositifs comme le Bildungsgutschein ou les plateformes certifiantes comme Coursera). Par exemple, un salarié dans l’automobile peut suivre une formation en programmation Python ou en data science pour se réorienter vers les secteurs du numérique, fortement porteurs.

3. Side-projects et freelance : En parallèle de leur poste, certains salariés allemands choisissent de lancer un projet indépendant : blog professionnel, boutique en ligne sur Etsy, missions freelance via Malt ou Fiverr. Ces activités secondaires permettent non seulement de générer un revenu complémentaire, mais aussi de tester des compétences transférables et d’explorer une possible reconversion.

4. Personal branding : Travailler son image en ligne est devenu indispensable. Mettre à jour son CV, rédiger des articles sur LinkedIn, publier un portfolio en ligne ou activer la mention #OpenToWork sont autant de leviers pour se rendre visible auprès des recruteurs et chasseurs de têtes. Des plateformes comme JobLeads ciblent les profils expérimentés et facilitent les mises en relation discrètes.

5. Veille stratégique sur l’emploi : Enfin, faire de la veille active sur les tendances du marché est une clé du career cushioning. Suivre les actualités RH sur StepStone, s’abonner à des newsletters comme celle de Gründerszene ou utiliser des alertes personnalisées sur Indeed permet de ne pas manquer une opportunité ou un virage sectoriel majeur.

En combinant ces approches, le salarié augmente ses chances de rester employable et mobile, tout en réduisant les risques associés à une éventuelle perte d’emploi. C’est une démarche proactive, discrète et adaptable à toutes les situations professionnelles.



4. Le rôle des entreprises allemandes dans la sécurisation des carrières

4. Le rôle des entreprises allemandes dans la sécurisation des carrières

En Allemagne, le career cushioning n’est pas seulement l’affaire des salariés. De nombreuses entreprises, conscientes des tensions sur le marché du travail et de la pénurie de talents qualifiés, adoptent une posture proactive pour sécuriser les parcours professionnels de leurs collaborateurs. Cela se manifeste par une politique RH centrée sur le développement des compétences, la mobilité interne et la fidélisation des talents.

Des groupes industriels comme Siemens ou Bosch ont mis en place des académies internes pour accompagner leurs salariés dans l’apprentissage de nouveaux métiers. Chez Siemens, par exemple, le programme "Learning Campus" permet à chaque employé de suivre des modules certifiants en intelligence artificielle, cybersécurité ou gestion de projet agile. En 2023, plus de 150 000 salariés du groupe ont ainsi participé à des sessions de formation continue.

De leur côté, les entreprises de la tech comme SAP misent sur des parcours de mobilité interne pour éviter les départs non souhaités. Lorsqu’un poste est menacé par une automatisation ou une évolution technologique, les collaborateurs sont accompagnés vers des fonctions compatibles grâce à des programmes de reconversion interne ou des coaching carrière financés en partie par l’entreprise.

Certaines PME, notamment dans le Mittelstand, utilisent également les services de plateformes de bilans de compétences ou des talent reviews régulières. Objectif : identifier les fragilités, anticiper les désengagements et créer des parcours sur mesure pour chacun.

En parallèle, de plus en plus d’entreprises optent pour un partenariat renforcé avec les institutions de formation continue (Volkshochschulen, universités de sciences appliquées, IHK) pour offrir des cursus diplômants à leurs salariés. Ainsi, elles créent un environnement où le développement professionnel est perçu comme une responsabilité partagée entre employeur et employé, limitant le besoin pour ces derniers de chercher un "plan B" ailleurs.

Dans un marché de l’emploi aussi compétitif que celui de l’Allemagne, les entreprises qui investissent dans la montée en compétence et la mobilité professionnelle gagnent en attractivité. Elles réduisent le turnover, sécurisent leur savoir-faire interne et créent une culture de confiance… tout en contribuant indirectement au phénomène du career cushioning, qu’elles transforment en levier de performance collective.



5. Les limites et controverses autour du career cushioning

5. Les limites et controverses autour du career cushioning

Si le career cushioning peut apparaître comme une démarche prudente et proactive, il n’est pas sans susciter critiques et interrogations, tant du côté des employeurs que des salariés eux-mêmes. Cette stratégie, lorsqu’elle est mal calibrée, peut devenir contre-productive, voire risquée sur le plan éthique et professionnel.

D’un point de vue managérial, multiplier les signes de désengagement – comme la mise à jour publique de son profil LinkedIn avec la mention #OpenToWork ou l’envoi répété de CV – peut être perçu comme un manque de loyauté. Dans des environnements de travail où la stabilité relationnelle est valorisée, comme c’est souvent le cas en Allemagne, cela peut altérer la confiance employeur-employé. Certains DRH n’hésitent pas à considérer cela comme une alerte, voire à anticiper une séparation avant même que le salarié n’ait formalisé son départ.

Pour le salarié, le career cushioning peut aussi être source de surcharge mentale. Jongler entre son emploi actuel, une formation certifiante sur Coursera, un side-project sur Fiverr et un réseautage actif peut générer du stress, du surmenage voire un épuisement professionnel. En 2024, une enquête menée par Statista indiquait que près d’un actif sur deux ayant engagé une double activité en Allemagne se sentait en état de tension ou de fatigue chronique.

Par ailleurs, des questions juridiques se posent : le code du travail allemand (Arbeitsrecht) impose à tout salarié de déclarer à son employeur une activité secondaire, même si elle est réalisée le soir ou le week-end. En cas de non-déclaration, l’entreprise peut, dans certains cas, considérer cela comme un manquement à l’obligation de loyauté, ouvrant la voie à des sanctions disciplinaires. Il est donc crucial de bien connaître les règles en vigueur, notamment en consultant un conseiller juridique ou la chambre de commerce et d’industrie (IHK).

Certains spécialistes des ressources humaines recommandent une approche plus directe : plutôt que d’anticiper seul, il peut être plus efficace d’ouvrir le dialogue avec son manager ou le service RH. Des outils comme l’"Entwicklungsgespräch" (entretien de développement professionnel) ou les bilans de compétences internes permettent de clarifier ses perspectives et, souvent, de trouver des solutions d’évolution au sein même de l’entreprise.

Si le career cushioning peut être une bouée de secours précieuse, il ne doit pas devenir un facteur d’anxiété ou de rupture relationnelle. Comme toute stratégie de carrière, il gagne à être mesuré, discret et aligné avec ses propres valeurs professionnelles.

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Olivier

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