Allemagne : une vague inédite de fermetures d’entreprises menace l’économie

L’économie allemande vacille en silence. En 2024, près de 200 000 entreprises ont définitivement fermé leurs portes, un niveau dramatique qui n’avait plus été atteint depuis la crise financière de 2009. Pourtant, la plupart de ces fermetures ne sont pas liées à une faillite, mais à une décision volontaire de cesser l’activité. Entre manque de main-d’œuvre, lourdeurs administratives et pression concurrentielle mondiale, l’Allemagne voit son tissu entrepreneurial s’effriter. Une tendance inquiétante, peu médiatisée, mais aux conséquences potentiellement durables pour l’économie nationale.
2. Des causes multiples au-delà des faillites officielles
3. Les secteurs les plus durement touchés par la vague de fermetures
4. Les conséquences économiques d'une telle hémorragie entrepreneuriale
En 2024, l’Allemagne connaît une vague inédite de fermetures d’entreprises, atteignant presque le niveau de la crise financière de 2009. D’après les données du Leibniz-Zentrum für Europäische Wirtschaftsforschung (ZEW) et de Creditreform, 196 100 entreprises ont cessé leur activité, soit une hausse de 16 % par rapport à l’année précédente. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que 90 % de ces fermetures ne sont pas dues à des faillites, mais à des décisions volontaires de fermeture. Ce chiffre dépasse largement l’augmentation de 2,3 % enregistrée en 2023, signalant une dégradation accélérée du tissu économique allemand. Il s’agit principalement de cessations complètes d’activité et non de simples fermetures de sites. Ces chiffres révèlent une fragilité structurelle croissante dans l’économie, malgré l’absence de défaillance formelle dans la majorité des cas.
Contrairement à une idée reçue, la majorité des entreprises allemandes ne ferment pas suite à une insolvabilité. En réalité, neuf entreprises sur dix cessent leur activité sans être en faillite. Ce phénomène s’explique par une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels. Selon Sandra Gottschalk du ZEW, les causes vont bien au-delà des crises géopolitiques. Parmi les facteurs déterminants figurent la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, les problèmes de succession dans les PME familiales, une bureaucratie excessive, ainsi qu’une concurrence mondiale de plus en plus rude. Ces éléments pèsent lourdement sur la viabilité à long terme des entreprises. À cela s’ajoutent des coûts salariaux en hausse, notamment du fait de l’augmentation du salaire minimum et des charges sociales, comme le soulignent les experts en insolvabilité Markus Schuster et Jürgen Erbe du cabinet Schultze & Braun.
La fermeture d’entreprises touche l’ensemble de l’économie allemande, mais certains secteurs sont plus affectés que d’autres. Le secteur manufacturier est particulièrement vulnérable, à l’image de la crise financière de 2009. En 2024, plus de 4 050 entreprises de plus de 20 salariés ont été radiées, soit presque le double de la moyenne annuelle habituelle. Cela traduit une pression croissante sur les entreprises de taille intermédiaire, souvent considérées comme la colonne vertébrale de l’économie allemande. Ces fermetures massives dans le secteur secondaire soulignent les difficultés d’adaptation face aux transformations industrielles et à la digitalisation. Par ailleurs, le commerce de détail, les services aux entreprises, et le bâtiment ressentent également les effets d’une demande en baisse et de marges de plus en plus réduites, créant un terrain propice aux cessations volontaires.
L’impact de cette vague de fermetures est considérable sur l’économie allemande. Elle entraîne une perte d’emplois, une réduction de l’offre de services et de biens, ainsi qu’un affaiblissement de l’innovation. La fermeture d’entreprises de taille moyenne compromet notamment le tissu entrepreneurial local, crucial pour l’emploi et la formation professionnelle. En outre, la baisse du nombre d’acteurs économiques fragilise le système fiscal allemand, qui repose largement sur les contributions des PME. Cette tendance pourrait freiner la croissance à long terme et aggraver la désindustrialisation de certaines régions. Si les décideurs politiques ne prennent pas rapidement des mesures de soutien ciblées – telles que des allègements fiscaux, des programmes de succession pour les PME, ou encore une simplification administrative – la compétitivité de l’Allemagne sur la scène internationale pourrait en pâtir durablement.
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Olivier

