Travailler dans l'industrie du luxe en Allemagne : nos 5 conseils
Si l'industrie allemande du luxe n'a jamais eu le poids de ses homologues français ou italien, le pays de Goethe et de Luther s'éveille lentement mais sûrement aux sirènes du secteur. Largement encouragé par le Meisterkreis, le premier forum consacré à la "culture de l'excellence". TEXTE : LILI THOMAS
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L'Allemagne n'est pas que le pays du hard-discount. Un coup d'œil dans le hall Art Déco du grand magasin KaDeWe, le temple du shopping à Berlin, suffit à s'en convaincre : un ballet tourbillonnant de visiteurs, les bras chargés de paquets qui ne savent plus où donner de la tête, entre les bijoux Cartier, les montres Baume & Mercier, les parfums et vêtements signés Dolce&Gabbana ou les sacs Vuitton, sans oublier le dernier étage "gourmet" de l'épicerie fine. Ces cinq dernières années, le nombre de boutiques de luxe a augmenté de 30 % en Allemagne. Crise ou pas, les classes moyennes n'hésitent plus à mettre la main à la poche.
Le secteur du luxe a rapporté l'an passé 55 milliards d'euros à l'économie allemande, soit 6 % de plus qu'en 2011, selon une récente étude du cabinet de conseil Roland Berger que s'est procuré en exclusivité ParisBerlin. La part du marché intérieur affiche 23 milliards de bénéfices, soit une croissance de 11 %. Quant aux exportations, elles s'élèvent à 32 milliards d'euros. L'humeur outre-Rhin est au beau fixe : 67 % des chefs d'entreprise interrogés jugent que leur entreprise se porte "bien, voire très bien".
Meisterkreis, passion et perfection
C'est en octobre 2011 que le Meisterkreis, le premier forum allemand de l'industrie haut de gamme, a vu le jour. Sa mission : jouer les ambassadeurs du luxe en Allemagne et ailleurs. Les galeries d'art contemporain, la mode, l'hôtellerie, la joaillerie, l'automobile... 62 maisons sont affiliées au Meisterkreis. Parmi elles, des marques allemandes telles que Lange & Söhne ou Leica, mais aussi des marques étrangères comme Chanel ou Dior, "qui incarnent le luxe par excellence et dont nous pouvons nous inspirer", selon Clemens Pflanz, directeur général et fondateur du Meisterkreis, qui souligne la difficulté d'évoquer le mot luxe dans un pays pétri de culture protestante.
"Le terme ‘Luxus' a ici une connotation négative, notamment dans les médias. Nous préférons nous référer à la notion d'industrie haut de gamme." Depuis sa création, Meisterkreis s'attache à défendre "la passion de la perfection et de l'exigence de ses chefs d'entreprise", engagés dans une branche qui emploie près de 147 000 personnes outre-Rhin.
Car à l'opposé du bling-bling, le "véritable luxe est durable", souligne M. Pflanz. Il existe peu de secteurs qui attachent autant d'importance à la "tradition et au savoir-faire. La recherche de l'innovation technique, le sens du design et une qualité irréprochable font partie de l'ADN du Made in Germany".
Le secteur le plus porteur ? L'automobile, avec des constructeurs légendaires comme Mercedes, Lamborghini, qui appartient aujourd'hui au groupe Volkswagen, ou Porsche. Suivent la mode, les accessoires et parfums, mais aussi l'art et le design intérieur, les équipements high-tech et... les yachts.
Malgré son succès, l'industrie du luxe reste confrontée à de nombreux défis : le premier concerne la transmission de ce savoir-faire aux jeunes générations. En effet, les métiers de ce secteur demandent un très haut niveau d'implication et les candidats sont parfois rares. Aussi, "les entreprises investissent directement dans la formation de nouveaux employés, particulièrement des artisans, ce qui permet d'assurer et de pérenniser la qualité de notre industrie", souligne M. Pflanz. Le Meisterkreis réfléchit également à l'ouverture de filières communes de formation entre la France et l'Allemagne.
Le fédéralisme appliqué au luxe
Et si les géants du luxe à la LVMH n'existent pas en Allemagne, la branche dispose, selon M. Pflanz, "d'un tissu incroyablement vivant de petites et moyennes entreprises spécialisées, reflétant la créativité et la diversité de chacune de nos régions. Le fédéralisme appliqué au luxe, c'est notre plus grande richesse". De la ‘Silicon Valley' de l'automobile avec Audi, BMW, Mercedes et Porsche dans le sud de l'Allemagne à la manufacture de porcelaine de Meissen en Saxe.
L'arrivée des nazis au pouvoir en 1933 et la Seconde Guerre mondiale ont entraîné la disparition de nombreuses activités telles que l'industrie du cuir ou les soieries de la ville de Krefeld. "Il a fallu du temps pour reconstruire toute notre industrie haut de gamme", explique M. Pflanz.
Désormais, "le luxe allemand a retrouvé sa dimension économique, son attractivité... qu'il est temps de soutenir et de développer". Les dirigeants politiques ont mis du temps à prendre cette industrie au sérieux. Meisterkreis plaide dorénavant pour un "durcissement de la législation envers la contrefaçon" et une politique d'attribution simplifiée des visas, notamment aux touristes en provenance d'Asie, "nos principaux clients". Le luxe est également au cœur des convergences franco-allemandes. Depuis cette année, où les célébrations des 50 ans d'amitié franco-allemande se sont succédé, Meisterkreis et le Comité Colbert, son pendant français, entretiennent des contacts réguliers et souhaitent proposer des initiatives communes.
TEXTE : LILI THOMAS