Faire parler les chiffres lors de la candidature en Allemagne
Le CV d'un commercial postulant en Allemagne doit être bien plus qu'une simple énumération de ses activités, projets et responsabilités passés. Pour parvenir à vous démarquer de la concurrence, il va vous falloir chiffrer les succès dont vous pouvez vous prévaloir. Or, donner des chiffres dans un CV commercial peut se révéler être un exercice périlleux en Allemagne, où la question du secret d'entreprise est particulièrement délicate.
Le CV chiffré : une tendance incontournable
Quels chiffres pour quelles professions ?
Loin d'être réservée aux seules fonctions commerciales, la tendance au CV chiffré s'est largement généralisée ces dernières années. Difficile en effet d'imaginer une profession dont les objectifs quotidiens ne seraient pas quantifiables. Pour un comptable, par exemple, il peut s'agir de la capacité à améliorer les délais de paiement, pour un technicien, du nombre de pièces produites par jour, pour un employé des ressources humaines, du taux de transformation entre candidats convoqués et candidats recrutés, etc. Même en l'absence de données officielles, correspondent à chaque profession des objectifs chiffrés. Aussi si vos résultats sont bons, pourquoi ne pas les mettre en valeur dans votre CV ?
Spécifier et quantifier
Car ce qui intéresse le plus votre recruteur n'est pas seulement de savoir quelle tâche vous avez accompli, à quelle période et dans quelles conditions, mais surtout, dans quelle mesure vous avez su vous montrer à la hauteur des responsabilités qui vous ont été confiées. Un CV avec des données concrètes inspirera toujours plus confiance qu'un CV trop théorique et abstrait, sans parler d'un CV qui se perdrait en périphrases, sachant que la loi d'airain en matière de rédaction de CV est de ne pas faire perdre de temps à son lecteur. Pour un recruteur, un CV chiffré est synonyme de capacité d'analyse et d'aptitude à quantifier son travail, autant d'aptitudes qui vous permettront de vous démarquer de la masse des candidatures.
Comment énumérer vos chiffres dans votre CV allemand ?
La manière la plus simple du point de vue de la mise en forme est d'intégrer les chiffres correspondant à chacune de vos expériences professionnelles passées. Par exemple:
«Tandis que j'occupais le poste de commercial dans l'entreprise X de mars 2014 à juin 2016, mon taux de transformation de prospects en clients était de 18%.»
Notez néanmoins que l'abondance de chiffres, si elle est tout à fait justifiée dans le domaine commercial, peut parfois être préjudiciable dans d'autres secteurs et qu'il est parfois préférable de concentrer ses efforts sur quelques points marquants de votre carrière. Il n'en demeure pas moins que les objectifs quantifiés jouent un rôle essentiel dans les critères de recrutement d'une entreprise, quel que soit le poste à pourvoir.
Le dilemme : compétence chiffrée vs. secret d'entreprise
Le secret d'entreprise en Allemagne
Le secret d'entreprise (Betriebs- und Geschäftsgeheimnis) est légalement défini en Allemagne par les articles 203 et 204 du StGB (Strafgesetzbuch) ainsi que par les articles 17 et 18 de la UWG (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb). Pour résumer, le secret d'entreprise en Allemagne concerne des données purement économiques telle que le chiffre d'affaire, les recettes, bénéfices et investissements d'une entreprise, mais également des données plus stratégiques, notamment concernant le marketing, l'identité des clients et fournisseurs, le financement d'éventuels projets de développement et de recherche, etc.
Nos astuces pour chiffrer votre CV sans contrevenir au secret d'entreprise
Privilégier les pourcentages et les ordres de grandeur
L'astuce principale consiste à généraliser vos données chiffrées. Il est certes formellement interdit par la loi allemande de citer des chiffres concrets concernant les performances commerciales de votre ancien employeur, et particulièrement dangereux de les dévoiler par écrit, puisque la preuve de la divulgation est alors manifeste, mais rien ne vous empêche de remplacer ces chiffres par des pourcentages ou des ordres de grandeurs. Ne dites donc pas : «de 2010 à 2015, le chiffre d'affaire est passé de 500 000€ à 950 000€» mais plutôt :
«il a augmenté de 90%» ou «il a pratiquement doublé.»
Si votre profil retient l'intérêt de l'entreprise, vous serez toujours à temps de développer la part de mérite qui vous revient dans cette croissance lors de votre entretien d'embauche.
Fabriquer votre propre échelle d'évaluation
Pour les domaines d'activité où la quantification des compétences est plus difficile voire impossible à réaliser, par exemple en ce qui concerne la maîtrise des langues ou de certains outils informatiques, une autre bonne astuce consiste à établir une échelle d'auto-évaluation à joindre en annexe de son CV. Vous pourriez par exemple établir une échelle de 1 à 3 où 1 équivaudrait à des compétences de base, 2 à des compétences confirmées et 3 à des compétences expertes. Rien ne vous empêche également de composer un graphique à l'aide de ces différents chiffres, ce qui permettra de repérer en un coup d'œil les domaines dans lesquels vous êtes le plus à l'aise. Cette astuce représentera pour votre recruteur un gain de temps considérable, dont il vous saura certainement gré.
Indiquer des personnes de référence
Les deux principaux risques attenants à la rédaction d'un CV sont la dévalorisation - vous n'avez pas atteint vos objectifs ? Ne le mentionnez pas ! - et l'exagération - en embellissant vos résultats et compétences vous courrez le risque d'obtenir un poste pour lequel vous n'êtes absolument pas qualifié. L'idéal dans un CV est de toujours ajouter les noms des personnes qui vous serviront de référence, de sorte à ce que le recruteur puisse vérifier par lui-même si les informations que vous lui avez fourni sont véridiques. Il va sans dire que si ces personnes vous ont donné du fil à retordre, il est mal-indiqué de mentionner leurs coordonnées.
Lors de l'entretien d'embauche : apprenez à déjouer les pièges
La pêche aux renseignements et le test de loyauté
Il faut savoir que certains recruteurs, en particulier dans les branches de dimensions modestes où les entreprises concurrentes sont très facilement identifiables, peuvent être amenés à profiter de l'occasion offerte par la visite d'un candidat issu de la concurrence, pour tenter de lui soutirer de précieuses informations. L'intérêt d'agir de la sorte ne mérite pas plus de développements. Mais sachez qu'il peut également s'agir d'un stratagème visant à tester votre loyauté. En effet, si vous n'avez aucun scrupule à divulguer les secrets de votre ancienne entreprise, alors même que vous savez pertinemment que cette indiscrétion peut lui être gravement préjudiciable, il n'y aucune raison de penser que vous agirez tout autrement envers votre nouvelle entreprise, et partant, vos chances d'être en odeur de sainteté auprès de votre recruteur en seront nettement compromises.
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Quand invoquer le secret d'entreprise ?
Pour résister au feu des recruteurs les plus tenaces, votre plus grand tort serait de rester vague ou abstrait plutôt que de répondre à des questions ciblées s'agissant de vos compétences chiffrées. Lors d'un entretien d'embauche comme dans un CV, et en Allemagne peut être plus que dans tout autre pays, la factualité et la concision sont en effet des qualités indispensables. Si vous êtes acculé, n'hésitez pas à invoquer le fait que vous êtes tenu au secret d'entreprise, mais ne le faites seulement qu'en dernier recours. Avant d'en arriver là, quelques précautions s'imposent pour vous éviter d'avoir à vous retrouver dans cette situation plutôt embarrassante.
Privilégiez les matériaux homologués
Une des stratégies défensives possibles est de se limiter aux informations officielles homologuées par votre ancienne entreprise et de prévenir les désirs de votre recruteur en emportant avec vous le jour de l'entretien des brochures et documents officiels, par exemple ceux destinés à la presse ou aux clients, qui vous permettront d'illustrer le contenu de vos responsabilités passées sans forcément en divulguer plus qu'il n'en faut.
Apprendre à marcher sur la corde raide
Une autre règle d'or à respecter est de toujours se limiter à évoquer sa propre expérience au sein de l'entreprise. Cela vous permettra d'exposer des exemples pratiques et concrets directement issus de votre expérience professionnelle et de recentrer la discussion sur vos compétences plutôt que sur les modalités de fonctionnement de votre ancien employeur. Il est également très important de ne jamais critiquer ses anciens collègues ou supérieurs. Quelles que soient les circonstances, cela ne peut que vous desservir. Vos réponses doivent toujours être personnalisées mais factuelles, générales mais concrètes : inutile de dire qu'il s'agit d'un équilibre très délicat à maintenir.
Néanmoins, rappelons que si la prudence est de mise lors de vos entretiens avec des entreprises concurrentes ou issues de la même branche (clients et fournisseurs inclus), vous pouvez tout de même vous permettre de relâcher un peu votre vigilance lors d'entretiens avec des entreprises issues d'une toute autre branche.